"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VI.

qui, au chevet d’un malade, note au jour le jour tous les progrès de la maladie, Mérimée indique avec une exactitude qui paraît scrupuleuse tout ce qui peut nous faire connaître le mal dont meurt la malheureuse Khava. « Les craquements du plancher, le sifflement de la hise, le moindre bruit la faisaient tressaillir... Son imagination avait été frappée par un rêve et toutes les commères du pays avaient achevé de la rendre folle en lui racontant des histoires effrayantes. » Rien à faire contre le mal qui la dévore ; la bonne volonté, le dévouement sont impuissants, impossible de prendre sur elle la moindre autorité; absorbée dans la méditation de sa misère, elle a cette perspicacité des malades qui, mortellement atteints, savent discerner toute la fausseté des espérances qu’on essaie, de leur donner. Observateur attentif, Mérimée n’en est pas pour autant impassible ; il se meut peu, il est vrai, dans ce récit de la mort d’une jeune fille, tout juste autant qu’il faut pour pouvoir nous découvrir, phase par phase, la maladie, et pour « donner enfin, de bon cœur, au diable les vampires, les revenants et ceux qui en racontent les histoires 1 ». Mais si sa sensibilité est contenue, elle n’en est pas moins évidente : il a su donner la vie àla touchante et infortunée Khava etpour cela il fallaithien qu’il fûtémuluimême. Il l’a fait gracieuse et dévouée, superstitieuse il est vrai, mais quelle jeune fille ne l’est un peu? Pleine d’attentions délicates: elle sait éloigner sa mère à ses derniers moments, elle laisse à son garde-fidèle une amulette pour souvenir; victime d’un sort funeste, résignée, affectueuse et tendre elle fait songer à plus d’une jeune fille du répertoire romantique. Ce qui ressort de cette notice Sur le Vampirisme,

1 La Guzla, p. 156,