"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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c’est que Mérimée s’est.intéressé à ia superstition morlaque d’abord parce que c’était pour lui matière à peintures saisissantes et horribles qu’il se plaira de nous tracer dans toute leur hideur, ensuite parce qu’il y avait là un phénomène moral, quelque chose de bizarre dont les raisons étaient obscures à démêler et dont il fallait rendre compte. Aussi bien nous retrouverons dans les cinq ballades qu’il a consacrées aux vampires cette double tendance : nous y découvrirons le peintre de tableaux réalistes affreux et le froid psychologue qui examine, juge et critique une superstition. La Belle Sophie l . Est-ce une habileté? la première des ballades vampiriques de Mérimée peut se comprendre dans une certaine mesure. Ce n’est pas, là, du merveilleux à haute dose : une jeune fille méprise un jeune amant qui l’aime, pour se donner à un homme riche et déjà vieux ; le jeune homme se suicide et la belle Sophie, avant que d’entrer dans la chambre nuptiale, meurt épuisée dans les bras d’un spectre qui la mord à la gorge. Nous y pouvons voir comme un symbole du remords qui un jour poursuivra la glorieuse épouse du riche bey Moïna. Le vampirisme se glisse dans cette ballade, plutôt qu’il n’y paraît. Ce n’est pas le bey Moïna qui enserre, étouffe et tue la jeune épousée, c’est le spectre vengeur de Nicéphore qui vient demander rançon de son sang qu’il a répandu. Or, les spectres, c’était le « genre frénétique » le plus pur; nous ne remarquerons donc rien de très original dans cette ballade, si ce n’est ces derniers mots : « Il m’a mordue à la veine du cou et il suce mon sang. » La ballade, d’ailleurs, a d’autres mérites. Scène lyrique dit Mérimée à très juste titre : lyrique par la façon

1 La &u,zla,jyp. 157-167,