"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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nous semble tout juste bon à effrayer les petits enfants ; il a voulu faire très gros, pour produire beaucoup d’effet; on ne saurait nier qu’il y a dans son poème beaucoup de choses qui surprennent et frappent l’attention. Constantin Yacoubovich 1 . La cinquième ballade que Mérimée a consacrée aux histoires de vampires est bien faite, elle aussi, pour nous étonner. Vampire dans la première partie du poème, car il a mordu le fils de Constantin à la veine du cou, le « Grec schismatique.» se transforme dans la seconde partie en un fascinateur. C’est trop pour un seul homme : on n’est pas à la fois vampire et « mauvais œil » ; l’un ou l’autre devrait suffire. Extraordinaire, cette ballade, et cependant meilleure au point de vue de la couleur, que ne l’étaient les précédentes. Comme le « Vénitien » du Vampire, le « Grec schismatique » ne porte point de nom. C’est un inconnu, venu d’on ne sait où; un être fatal, prédestiné, qui n’ose dire ni qui il est, ni où il va, toujours forcé de fuir les lieux où il voudrait s’attacher. Un jour, blessé à mort, il tombe au milieu d’une famille paisible qui prend soin de ses derniers moments, et c’est son dernier crime. Ce cimetière, ces arbres verts qu’il voit là-bas, dorés par le soleil, ce dernier refuge dans lequel il voudrait dormir son dernier sommeil, il ne pourra y reposer car il est poursuivi jusque dans la mort par son mauvais destin. Funeste à tous ceux qui l’entourent, même à ceux qui lui veulent du bien, pourquoi faut-il que Constantin Yacoubovich ne se soit pas demandé « si la terre latine souffrirait dans son sein » ce « Grec schismati-

1 La Guzla, pp. 177-185.