"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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ce qu’il est véritablement : figure jeune, cheveux blancs, yeux mornes, joues creuses. Ce personnage énigmatique nous intrigue plus qu’il ne nous étonne; avant qu’il ne meure, Mérimée place dans sa bouche quelques mots seulement qui nous font deviner tout un passé de douleurs et de nouvelles misères : « Triste, triste fut ma vie; triste sera ma mort... » Enfin deux traits qui attirent et retiennent notre attention : « Et sa bouche a souri et ses yeux sortaient de leurs orbites. » Puis, quand Fauteur a déclaré que Constantin « l’a porté au cimetière sans s’inquiéter si la terre latine souffrirait dans son sein le cadavre d’un Grec schismatique », nous sommes bien persuadés que ce mort est un être étrange, nous l’admettons pour tel à l’avance et nous n’avons qu’une curiosité, savoir qui il est. Mérimée est bien trop habile pour nous le dire de suite : il nous montre d’abord le jeune fils de Constantin qui se meurt d’un mal inconnu; ce qui ne fait qu’accroître notre désir de connaître le pourquoi de toutes ces choses ; puis un grand mot nous met davantage en éveil : « La Pi'ovidence a conduit dans la maison de Constantin un saint ermite, son voisin. » Enfin, nous allons savoir, et, à l’avance, nous acceptons toutes les explications merveilleuses qui nous seront données. Ce mort est un vampire, c’estlui qui vient sucer le sang du fils de Constantin ; on le déterre : Or, son corps était frais et vermeil ; sa barbe avait crû, et ses ongles étaient longs comme des serres d’oiseau ; sa bouche était sanglante, et sa fosàe inondée de sang. Alors Constantin a levé un pieu pour l’en percer ; mais le mort a poussé un cri et s'est enfui dans les bois. Nous sommes en plein merveilleux ; il n’y a plus de raison pour nous arrêter ; et c’est la fuite fantastique du mort à travers les bois ; et ces apparitions consécutives et ces conjurations sans cesse renouvelées. Du domaine