"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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Et mortel, et mortel était son regard ! avant que ses lèvres eussent touché celles de la belle Zoé, la jeune fille pencha la tête sur son épaule, et elle tomba de cheval pâle et sans vie. Désespéré, Maxime Duban, comme un nouvel OEdipe, s’est arraché les yeux avec son hanzar ; et, bientôt, « l’on ouvrit le tombeau de la belle Zoé pour y placer Maxime à côté d’elle 1 ». Pas plus que le vampirisme, un guzlar n’aimerait à chanter le mauvais œil. Plus ancienne que la précédente, cette dernière superstition est moins grossière et trouve un fondement véritable dans l’observation de certains phénomènes naturels. Les Grecs ont eu terreur du mauvais œil; ils ont cru au charme funeste des paroles louangeuses; ne pouvant trouver d’explications à certaines maladies qui s’abattaient sur les troupeaux ou sur les hommes, il leur était commode de croire aux jeteurs de sort. Ce sont là des superstitions universelles et qui, même actuellement, ont laissé des traces; mais la poésie populaire n’a jamais, que nous sachions, chanté de tels sujets. i k « l’amant en bouteille » Il y a dans la Guzla trois autres ballades dont le merveilleux 'est aussi l’un des éléments importants, mais qui ne sauraient former de catégories spéciales ; il nous faudra donc les étudier isolément.

1 Remarquons qu’il existe une légende populaire polonaise dans laquelle un père se crève les yeux pour sauver ses enfants de son regard ; mais la publication en est postérieure à la Guzla et certainement Mérimée ne l’a pas connue. (Woycicki, Contes populaires polonais, traduction allemande, p. 25.)