"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VI.

Dans la première, V Amant en bouteille, Mérimée s’est inspiré d’un célèbre théologien hollandais, Balthazar Bekker (1634-1698). C’était un étrange personnage que Balthazar Bekker : ministre protestant, il s’attacha à la philosophie de Descartes et voulut démontrer qu’elle pouvait s’allier à la théologie. Il le fit dans un livre De philosophia cartesiana admonitio sincera (1665), qui lui attira beaucoup d’ennemis. Adversaire déclaré des croyances superstitieuses, il combattit d’abord dans ses Recherches sur les comètes le préjugé qui attribue à ces astres une influence sur la destinée ; mais son ouvrage le plus considérable est le Monde enchanté (1691), livre dans lequel il s’éleva avec une hardiesse singulière pour son temps contre l’opinion du peuple sur le pouvoir des démons. Ce livre, qui a été traduit en allemand, en anglais, en italien et en français C souleva contre son auteur une tempête de calomnies et d’injures, le réduisit enfin à une vie vagabonde. Bekker mourut sept ans après avoir donné son chefd’œuvre. Ce pauvre homme était très sympathique à Voltaire qui fit de lui un éloge quelque peu ironique, mais sincère. « On ne peut pas parler du diable, dit-il, sans mentionner un de ses plus grands ennemis, Balthazar Bekker. Ce Balthazar, très bon homme, grand ennemi de l’enfer éternel et du diable, et encore plus de la précision, fit beaucoup de bruit en son temps par son gros

1 Le Monde enchanté, ou examen des communs sentiments touchant les esprits, leur nature, leur pouvoir, leur administration et leurs opérations et touchant les éfets que les hommes sont capables de produire par leur communication et leur vertu. Divisé en quatre parties. Par Ballhazar Bekker, docteur en théologie et pasteur à Amsterdam. Traduit du Hollandais. A Amsterdam; chez Pierre Rotterdam, 1694. h tomes en 6 volumes, in-12.