"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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recueilli ce venin dans une fiole et l’ont fait boire au crapaud. Ensuite ils lui ont fait lécher un beau fruit. Et Stamati a dit à un jeune garçon qui le suivait : « Porte ce fruit à la belle Hélène, et dis-lui que ma femme le lui envoie. » Le jeune garçon a porté le beau fruit, comme on le lui avait dit, et la belle Hélène l’a mangé tout entier avec une grande avidité. Dans une note, Mérimée s’explique : « C’est une croyance populaire de tous les pays que le crapaud est un animal venimeux. On voit dans l’histoire d’Angleterre qu’un roi fut empoisonné par un moine avec de l’ale dans laquelle il avait noyé un crapaud. » Ce détail est emprunté à sir Walter Scott 1 ; quelques lignes plus loin il s’inspire d’une autre anecdote également connue du monde littéraire et que le Globe rapporta vers la même époque. On voit, en effet, dans le Rozier historial qu’en 1460, on brûla à Reims une sorcière qui, pour servir la vengeance d’un prêtre du diocèse de Soissons, « baptisa un crapaud au nom de Jean, et le fit communier 2 ». Dans la seconde partie, nous sommes en plein merveilleux ; c’est d’abord l’étrange maladie de la dolente dame ; puis le retour de son mari, qui revient tout juste après avoir passé à l’étranger le temps nécessaire pour être convaincu de l’infidélité de sa noble épouse. D’un seul coup de son sabre il lui tranche la tête ; puis il veut arracher de « son sein si blanc » l’enfant innocent, pour reconnaître plus tard, à ses traits, l’infâme séducteur ; mais il h’a trouvé qu’un crapaud noir. Et la tête de sa femme bien aimée a parlé, et lui a dit que Piero Stamati lui avait jeté un sort, aidé par un méchant juif ;

1 Minstrelsy of lhe Scottish Border, t. 111, p. 287. Cf. F.-J. Child, English and Scottish Popular Ballade, t. I, p. 157. 2 Lè Rozier hislorial de France, contenant deux roziers... Paris, 1522, goth. 214 ff. Cité par le Globe, t. VI, p. 413.