"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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Et Mercure comptait les grains avec ses doigts, qu’il mouillait de temps en temps de sa salive, et le poison subtil se glissait à travers sa peau. Quand il fut arrivé au soixante-sixième grain, il poussa un grand soupir et tomba mort *. Ce collier magique, le collier dénonciateur, n’est, sous une autre forme, que « le lotus rouge des contes de l’lnde, le lotus qui change de couleur et se flétrit lorsque l’un des deux époux trahit ses serments 2 ; c’est le bouquet du conte persan, qui reste frais tant que la femme reste sage; c’est la source qui se trouble, le lait qui rougit, le vin qui écume, la plante qui se dessèche, la bague qui se brise, le couteau qui se rouille, le portrait dont les couleurs pâlissent, la ceinture qui ne se noue plus, etc., etc., de tant de récits et des légendes populaires ; c’est le cornet à boire des romans de Tristan et Aq Percerai. que les dames ne peuvent approcher de leurs lèvres si elles ont été infidèles., sans que le vin ne s’élance hors du vase ; le court mantel ou le mantel mautaillé du célèbre fabliau 3 et de Messire Gauvain-, la coupe enchantée de l’Arioste et de La Fontaine ; le miroir magique de la nouvelle XXI de Bandello, de la Quenouille de Barberine d’Alfred de Musset ». Il est difficile de dire à qui Mérimée a emprunté l’idée de sa ballade. Tant de récits, contes ou légendes ont trait au même sujet que M. Child, à les énumérer seulement, emploie quatorze pages de son recueil in-4° 4 .

1 La Guzla, p. 64. 2 Deslongchamps, Essai sur les fables indiennes, p. 107 et suiv. Cité par F.-J. Child, The English and Scottish Popular Ballads, Boston, 1884-98, t. I, p. 269. 3 Monlaiglon et Raynaud, Recueil général des fabliaux, t. 111, pp. 1-34. Cité par F.-J. Child, op. cil., t. I, p. 257. 4 F.-J. Child, op. cil., pp. 257-274. —Reinhold Kôhler, Jahrbuch fur romanische und englische Lileratur, l. VIII, p. 44 et suiv.