"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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tence des vampires, la poésie populaire de ce pays ne les a jamais chantés; ces sortes de terreurs superstitieuses ne durent en effet qu’autant que leur objet est encore flottant, vague, indéterminé. Sitôt qu’elles trouvent dans les vers leur expression, on peut être sûr qu’il n’y a plus grand monde pour y croire, ni celui qui les chante, ni ceux qui l’écoutent. Les bouviers deThéocrite avaient peur des jeteurs de sort, mais l’auteur des Idylles assurément ne partageait pas cette crainte. Ovide, lui aussi, en a parlé; mais pourrait-on prétendre un instant que l’auteur des Amowrs est un poète populaire? Lorsque la poésie s’attache à des objets de ce genre, ou nous nous abusons fort, elle est déjà littéraire. C’est presque une nécessité : la poésie naturelle et spontanée, la véritable poésie populaire ne chante pas de pareils sujets ; ils sont exclusivement du domaine du conte, de la légende merveilleuse. C’est en écrivain qui fait « un extrait de ses lectures » et en romantique stendhalien que Mérimée découvre l’esprit des nations « primitives » plutôt qu’il n’approche de la véritable ballade traditionnelle.