"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VII.

Quand l’épouse d’Asan-Aga entendit cela, De son visage blanc contre terre elle donna, A l’instant rendit l’âme, L’infortunée, de la douleur qu’elle eut à regarder [ses orphelins]. « Il n’y a point ici de ces sentiments frénétiques, écrivait Nodier en 18-13, de ces passions outrées, turbulentes, convulsives, qui se retrouvent à tout moment dans les écrivains de nos jours; et c’est par là que ces fragments se rapprochent des meilleurs modèles, sans en avoir eu d’autres que la nature. La douleur poétique des anciens était souvent déchirante; quoiqu’elle fût toujours grave etp'resque immobile comme celle deNiobé. Quand l’Hercule d’Eschyle a tué ses enfants, il se voile et se couche sur la terre. Chez nous il déclamerait. Maintenant, les nations vieillies se plaignent de n’avoir plus de poètes, et elles oublient qu’elles n’ont plus d’organes. S’il se rencontrait encore par hasard un génie créateur comme celui d’Homère, il lui manquerait une chose qu’Homère a trouvée : c’est un monde qui pût l’entendre... J’avais besoin d’un poème qui offrît les beautés de l’antique sans y réunir les défauts choquants, la puérile afféterie, la froide enluminure de la littérature à la mode; et ce n’est pas ma faute si tant de poètes, mes contemporains, m’ont forcé à le choisir chez les sauvages. Je ne demanderais pas mieux que de l’avoir trouvé dans leurs livres 1 . »

1 Ch. Nodier, Mélanges de littérature et de critique, mis en ordre et publiés par Alexandre Barginët, de Grenoble, Paris, 1820, tome 11, pp. 369-371.