"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LA BALLADE DE L’ÉPOUSE d’ASAN-AGA.

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méprises qu’il aurait pu éviter s’il avait voulu se fier un peu plus en l’auteur du Viaggio in Dalmazia. Ainsi, par exemple, les vers serbo-croates : Kad kaduna kgnigu prouçila Dva-je sîna u celo gliubila A due chiere u rumena liza. [Quand la dame eut étudié cette lettre, Elle baisa ses deux fils au front, Ses deux filles sur leurs joues vermeilles.] Fortis les a traduit assez exactement : Allor che vide L’afflitta donna il doloroso scritto, De’ suoi due figliuolin’ bacio le fronti, E delle due fanciulle i rosei volti. Quant à Mérimée, s’il remarqua bien, « en comparant les mots du texte qui étaient répétés » avec l’interprétation italienne, que les épithètes : afflitta, doloroso ne se trouvent pas dans l’original, et s’il les effaça comme il effacera presque toutes les épithètes dont l’abbé Fortis avait surchargé le poème : magion paterna, dure parole, fratello amato, etc. 1 , —il poussa la méfiance trop loin en ne voulant pas suivre la leçon de Fortis là où elle était bonne 2 . Il rendit liza (visages, joues) par

25 oct. 1894). Il est resté dans la Guzla plusieurs traces de ces fréquentations, en particulier un assez grand nombre de noms propres : Dmitri, Wlodimer, Alexis, Prascovie, Yacoubovich, Tchernyegor, Miliada, etc. Ce dernier est très significatif, car c’est le nom que porte l'héroïne du poème historique le Tableau slave de M me Wolkonska. 1 Goethe non seulement conserva toutes ces épithètes, mais il en ajouta de nouvelles : Aengstlich folgen ihr zwei liebe Tôchter (vers 19) ; Und sie hielten vor der Lieben Thüre / Und den armen Kindern gab sie Gaben (vers 77-78). Il va sans dire que nous ne songeons pas à le lui reprocher : une traduction en vers était autrement difficile qu’une traduction en prose. Nous constatons seulement le fait. 2 Pourtant, deux ou trois fois il y recourut, mais tomba malencontreusement sur les passages les moins bien traduits. (Archiv, t. XXIX, p. 75.)