"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE vm.

étrangère ou peu s’en faut. Quant aux nations moins civilisées, elles étaient tout à fait inconnues... Comment peut-on être Illyrien? « M me de Staël, dans son livre De l’Allemagne, a porté le premier coup à ces injustes et superbes dédains. Mais c’est de la grande ère nationale, de la Restauration, que date un changement, depuis successivement progressif, dans nos idées et nos doctrines. La révolution politique terminée, une révolution littéraire commence. Des rapports plus immédiats, par suite plus affectueux, s’établissent entre les peuples divers ; l’on met en commun les trésors de l’intelligence ; les théâtres étrangers sont traduits ; mieux encore, nous étudions les. idiomes de nos voisins : les préjugés littéraires s’évanouissent avec beaucoup d’autres. Toujours pénétrés d’une juste admiration pour les chefs-d’œuvre du siècle de Louis XIV et de Louis XV, nos écrivains les plus distingués n’ignorent cependant pas que le domaine des lettres est soumis, comme toutes choses, aux lois générales des variations humaines; ils s’aperçoivent qu’il est temps de se frayer une route nouvelle, que plus d’une voie mène au cœur et atteint le but de toute composition littéraire. Chénier disait des auteurs de mélodrames : « Qu’ils apprennent à écrire et nous sommes perdus. » Ce fut aussi le sentiment du célèbre critique Geoffroy, qui y mettait la condition de génie. Deux écrivains illustres, Byron et sir Walter Scott, ont surtout contribué à ce changement déjà si sensible, et qui chaque jour peut-être le deviendra davantage. « Revenons à notre sujet, bien que ceci ne soit pas, à tout prendre, une digression. « Dans un pays où tous les genres de connaissances sont cultivés avec un succès éclatant et une ardeur infatigable, en Allemagne, l’on s’occupe beaucoup actuel-