"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

« LA GUZLA » EN - FRANGE.

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« Écoutez l’écho de nos fusils, a dit le capitaine. » Mais avant qu’il se fût retourné, il est tombé mort et vingtcinq hommes avec lui. Les autres ont pris la fuite, et jamais de leur vie ils n’osèrent regarder un bonnet rouge...

Car la montagne a des abîmes Pour vos canons; Les rocs détachés de leurs cimes Iront broyer vos escadrons. Monténégro, Dieu te protège, Et tu seras libre à jamais, Comme la neige De tes sommets ! 1

Ainsi le peu de « couleur » qu’il semble y avoir dans le livret de cet opéra est dû à la Guzla. Comme tout imitateur, l’auteur est allé à ce qu'il y avait de plus gros dans le livre de Mérimée; il a exagéré, pour produire plus d’effet, tout ce qu’aurait dû suspecter un lecteur avisé. Ce sont les histoires de vampires que le « doux Gérard » a empruntées de préférence à la Guzla; l’idée de ces montagnards quelque peu fanfarons, de ce barde chef de parti et guerrier redoutable. De nos jours l’influence du recueil de Mérimée a continué de se faire sentir dans le même sens, et c’est toujours ce qu’il y a peut-être de plus contraire à l’esprit du peuple serbe qu’on a été tenté de croire le plus authentique. Dans son beau drame Pour la Couronne, François Coppée a imaginé un certain Ihrahim-Effendi, agent secret du sultan Mohammed 11, qui voyage sous le déguisement d’un joueur de guzla serbe, et pour la circonstance porte le nom de Benko. Il se présente à la cour de Balkanie : Michel. Qui donc à mes genoux courbe si bas la tête ? Quel est cet étranger ? 1 Gérard de Nerval, La Bohème galante, Paris, 1855, pp. 63-64.