"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VIII.

d’une main il tenait la corde dont il étrangla son père, et de l’autre il prenait la robe du vicaire de Satan, et il l'approchait de ses lèvres pour la baiser, ainsi que fait un esclave qui vient d’être bétonné. 10 Et Mahomet daigna sourire, et il prit la couronne, puis ilia brisa sous ses pieds, et il dit : « Radivoï, je te donne ma Bosnie à gouverner, et je veux que ces chiens te nomment leur Beglierbey. » Et Radivoï se prosterna et il baisa la terre inondée de sang. 11 Et Mahomet appela son visir : « Visir, que l’on donne un caftan à Radivoï. Le caftan qu’il portera sera plus précieux que le brocard de Venise; car c’est de la peau de Thomas écorché que son frère va se revêtir. » Et le visir répondit : « Entendre c’est obéir. » 12 Et le bon Roi Thomas sentit les mains des mécréans déchirer ses habits, et leurs ataghans fendaient sa peau, et de leurs doigts et de leurs dents ils tiraient cette peau, et ainsi ils la lui ôtèrent jusqu’aux ongles des pieds, et de cette peau Radivoï se revêtit avec joie. 13 Alors Thomas s’écria : « Tu es juste, mon Dieu ! tu punis un fils parricide : de mon corps dispose à ton gré; mais daigne prendre pitié de mon âme, ô divin Jésus ! » A ce nom, l’église a tremblé : les fantômes s’évanouirent et les flambeaux s’éteignirent tout d’un coup.

IV Le grand roi jette à ses fidèles qui dorment, la main crispée sur leurs sabres, un long regard navré... aucun ne s’éveille... Thomas seul a perçu l’effroyable écho... 11 se redresse... il serre la garde en pierreries de sa vaillante épée, et, brave, il sort de la forteresse, se dirige vers l’église, fait le signe de la croix, et ouvre la lourde porte... O roi, que voistu de si horrible que ta main tremble et cherche l’amulette protectrice?... que vois-tu de si effrayant que tes yeux s’agrandissent comme deux cavernes en flammes?... Thomas est brave... il rentre... oh ! ce qu’il voit ! des cadavres amoncelés jusqu’au chœur de l’église de Kloutch... des ruisseaux de sang semblables aux ruisseaux qui, en automne, descendent dans la vallée de Kumara... V Le roi avance... Ces cadavres sont ceux des soldats de Bosnie... ce sang est celui de ses héros!... Mahometll le regarde venir... Mahomet avec du sang jusqu’au front... son mauvais œil est fixe sur lui... et sa main s’appuie à l’autel profané... Agenouillé à ses pieds est Radivoï l’infâme, qui de la corde avec laquelle il étrangla son père, S’est fait une ceinture... « Radivoï, s’écrie le Sultan, je le donne ma Bosnie, et pour manteau royal, le caftan le plus précieux que mon vizir aura choisi...ce caftan, je veux qu’on le taille dans la peau de Tho-