"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

« LA GUZLA » EN ALLEMAGNE.

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supposées, ils s’amusent avec esprit à se moquer très agréablement de nous. Nous avons d’abord lu avec plaisir, avec admiration, le faux original, et, après avoir découvert la ruse, nous avons eu un second plaisir en reconnaissant l’habileté de talent qui a été déployée dans cette plaisanterie d’un esprit sérieux. On ne peut certes mieux prouver son goût pour les idées et les formes poétiques d’une nation qu’en cherchant à les reproduire par la traduction et l'imitation. Dans le mot Guzla se cache le nom de Gazul; Le nom de cette bohémienne espagnole masquée qui s’était récemment moquée de nous avec tant de grâce, nous donna l'idée défaire des recherches sur cet Hyacinthe Maglanovich, principal auteur de ces poésies dalmates, et nos recherches ont réussi. De tout temps, quand un ouvrage a obtenu un grand succès, on a cherché à attirer l’attention du public et à gagner ses louanges en rattachant un second ouvrage au premier, sous le titre de Suite, Deuxième partie, etc. Cette fraude pieuse, connue dans les arts, a aidé à former le goût ; en effet, quel est l’amateur de médailles anciennes qui n’a pas de plaisir à rassembler la collection de fausses médailles, gravées par Jean Cavino ? Ces imitations trompeuses ne lui donnent-elles pas un sentiment plus délicat de la beauté des monnaies originales ? M. Mérimée ne trouvera donc pas mauvais que nous le déclarions ici l’auteur du Théâtre de Clara Gazul et de la Guzla, et que nous cherchions même à connaître, pour notre plaisir, tous les enfants clandestins qu’il lui plaira de mettre ainsi au jour l . Ceux qui ont parlé de la Guzla, et ils sont nombreux ; on le verra dans la Bibliographie que nous plaçons àla fin du présent ouvrage ■— ont cru, avec raison, devoir tous dire un mot de la critique de Goethe. Et pourtant, il nous semble que la plupart d’entre eux l’ont mal interprétée ; il reste toujours à mettre les choses au point. Maxime du Camp, par exemple, alla jusqu’à affirmer que le poète allemand s’était laissé prendre à la mystification 2 ! Gustave Planche, qui paraît avoir été le premier qui ait parlé de cette notice, déclara, en 1832, que Mérimée lui-même ayant envoyé un exemplaire de la Guzla à

1 Ueber Kunst und Altertum, tome VI, livr. 6, 1828, pp. 326-329. Eckermann, op. oit., pp. 320-321. » Maxime du Camp, Souvenirs littéraires, Paris, 1883, t. 11, p. 324. 30