"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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chapitre x.

était, pendant le moyen âge, l’état du peuple espagnol, des habitants des frontières anglaises et écossaises, ainsi que delà Scandinavie. Ces nations, libres et indépendantes, étaient perpétuellement engagées dans des guerres extérieures ou en proie à des luttes intestines. Le peuple, que la tyrannie et l’oppression ne courbaient pas sur la terre, était ardemment attaché par le véritable esprit féodal aux familles de ses seigneurs et s’adonnait avec passion à tout travail, à tout jeu où ceux-ci étaient mêlés. A cette époque où le commerce et l’industrie étaient peu développés, les loisirs étaient nombreux. Toutes les classes recherchaient les distractions qui pouvaient occuper le temps que n’occupaient ni la guerre, ni la chasse, ou les travaux nécessaires des champs et les soins domestiques ; rien alors n’était plus goûté, si propre au but proposé, que les récits d’aventures. Les livres étaient rares et peu de gens savaient les lire : une simple histoire en prose ne satisfait d’ailleurs pas autant, ne se grave pas aussi profondément dans la mémoire que celle qu’agrémentent quelques rimes simples et leur rythme très accusé. Ce fut l’affaire de ceux qui comprirent à quelles nécessités devaient répondre les contes d’amour et de guerre, d’en rehausser l’éclat en les présentant sous une forme plus harmonieuse. Chaque langue offre quelques-unes de ces formes simples de versification auxquelles peut s’adapter presque tout genre de poésie, sans grande dépense de temps ni de patience de la part du compositeur. Rien, pour citer un exemple, n’est plus simple ni plus conforme au génie de la langue espagnole que la redondilla avec ses vers de six ou huit syllabes et ses rimes assenantes. De même, les ballades écossaises et Scandinaves présentent peu de difficultés avec leurs stances de quatre vers assujettis à cette simple règle que le pre-