"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

« LA GUZLA » EN ANGLETERRE,

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pas traduit les poèmes en vers italiens, beaucoup plus souples que la prose française. « Malheureusement, ditil, quoique Italien, il n’a pas suivi l’exemple de Fortis en donnant une version italienne qui eût respecté la forme originale de ces trochées blancs illyriens, mais il en a donné une traduction en prose française, transformation dont souffre terriblement le vers le moins artificiel, car il existe un lien insaisissable, nous dirions presque mystérieux, entre le mètre et la tournure, la succession des idées, des sentiments et des images, et qui n’admet pas le divorce. Pour s’en rendre compte, le lecteur ne saurait mieux faire que de comparer la traduction qu’a donnée Fortis de La noble épouse d’AsanAffa avec celle du présent volume. « Lapoésie illyrienne, ainsi que l’on pouvait s’y attendre, offre de grands points de ressemblance avec la poésie serbe. Gomme elle, elle célèbre des hauts faits d’une atroce sauvagerie et la vertu noble et héroïque. A en juger par les fragments que nous avons vus, peu de ces pièces présentent un intérêt historique; comme elles proviennent d’une nation faible, elles ne relatent pas de grandes batailles, et Thomas 11, dernier roi de Bosnie, en est le seul héros de marque. Mais elles chantent en un style très fier, le courage et l’audace des heyduques (brigands) dans leur lutte contre les pandours (soldats de la police) lâches et détestés. Les superstitions sont d’un genre lugubre, les saints n’y apparaissent guère portés à des actes de bonté, le soleil et les étoiles n’y dialoguent pas avec les hommes, la Vila de la montagne y déploie à peine ses aspects merveilleux. L’horrible vampire est un fréquent acteur de ces. scènes et les terreurs du mauvais œil, avec qui nos lecteurs se sont familiarisés dans un précédent article, y sont traitées de la plus sérieuse façon du monde. »