La question du sel pendant la Révolution

XV

l'Etat, on est beaucoup moins économe, que lorqu’on agit pour son propre compte; et en supposant, par une fiction heureuse, la probité la plus exacte à tous les proposés, cette régie serait toujours excessivement dispendieuse; parce qu’on multiplierait les places au delà du besoiu réel; parce que les ouvriers ne seraient pas suivis et surveillés avec assez d’exactitude; parce qu’on mettrait dans les constructions d'ouvrages, dans l’entretien et les réparations de ceux qui existent, dans tous les frais d'établissements un luxe qui absorberait la majeure partie du produit; parce qu’enfin toute régie pourrait avoir la perspective qu’on se dégoûterait et reviendrait de ce système, et que lon traiterait alors à forfait avec elle, en sorte que, dans cette vue, elle aurait moins économisé sur la dépense dans sa régie, afin de se ménager des ressources et des conditions plus lucratives pour son industrie.

FERME

On éviterait les inconvénients qui viennent d’être détaillés en affermant les salines, et cette mesure serait sans doute préférable à toute exploitation économique, mais le fermier profiterait de toutes les circonstances pour ne vendre ses sels qu’à un prix très élevé; il rançonnerait quelquefois le gouvernement lui-même pour les fournitures qu’il doit faire à la Suisse; le peuple verrait de mauvais œil un traitant se placer entre lui et les possessions nationales, pour faire à ses dépens une fortune considérable; dans les années de disette de sel de mer, un fermier qui aurait des capitaux et du crédit, s'emparerait aisément de tout le commerce de cette denrée, et son avarice ne mettrait point de terme à ses profits; les habitants se plaindraient, et peut-être serait-il difficile de prévoir les effets du leur mécontentement. On ne pourrait cependant fixer le prix des sels, en affermant les salines, sans s’assujettir à prendre toujours dans les magasins du fermier la fourniture de la Suisse, et sans même prohiber les sels de mer dans les départements de la Meurthe et du Jura. En effet, sans ces obligations réciproques, le fermier, qui ne ferait tous les ans qu’une quantité déterminée de sel, n’aurait aucune chance en sa faveur; il vendrait au dessous du prix ordinaire lorsque les sels de mer seraient abondants, et il ne tirerait aucun parti de la disette. Il faudrait donc ou lui assurer le débouché de ses sels à un prix invariable, par les prohibitions qu’on vient d'indiquer, ou lui laisser la plus grande latitude dans ses spéculations et dans ses ventes. La première mesure est contraire aux principes de liberté que l’Assemblée nationale a si constamment professés, et elle ne voudrait pas excepter des lois communes les habitants de la Meurthe et du Jura. La seconde donnerait ouverture à des accaparements, à des manœuvres de toute espèce, auxquels il est bien intéressant de soustraire une denrée de première nécessité, et exposerait les salines à la dévastation, lorsque le peuple souffrirait à un certain point.

ENTREPRISE

Ce mode d’exploitation paraît concilier tous les intérêts, prévenir tous les abus, et ne saurait être susceptible d’autre inconvénient que du mauvais