La Révolution française (1789-1815)

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elle qui les devance. Elle est enivrée de cet esprit si nouveau; elle ne peut se l'expliquer, ni le contredire, ni l'arrêter. Il l'emporte, et par-delà toutes les barrières qu'avaient assignées ceux qui les premiers le lui ont révélé.

« Les peuples dépassent alors leurs initiateurs en hardiesse. Les timides deviennent les téméraires et les téméraires deviennent les timides. De l'audace, de l'audace et encore de l'audace ! Ce mot, prononcé d'abord par le chancelier Bacon, est retrouvé par Danton; il devient la devise de tout un peuple, 14 juillet, 20 juin, 10 août.

« Quand les masses sont ainsi déchaïînées, qui pourra désormais les arrêter ? Sans doute elles parcourront la terre en trois pas, comme les dieux d'Homère. Mais c'est là une apparence trompeuse. Car si par l'effet d'un piège bien tendu ou par la lassitude qui s'empare des meilleurs, ou parce qu'ils se sont entretués, ceux qui conduisaient le peuple viennent à disparaître, alors voici l'étonnant spectacle auquel vous assistez, et c'est la fin de la Révolution. « Privés de ceux qui leur donnaient l'impulsion et la vie, les peuples déchaïinés, devant lesquels la terre seinblait trop petite, s'arrêtent.

« C'est un fleuve privé de sa source, il s’épuise promptement. Un désespoir subit s'empare de la multitude, 10 germinal, 4% prairial.

« Comme si les peuples n'avaient recu qu'une vie empruntée, ils la perdent en perdant leurs anciens chefs. Cette matière incandescente se refroïdit peu à peu, depuis qu'elle ne recoit plus chaque jour les rayonnements des grandes âmes qu'elle a laissées périr. Et par degrés, elle retombe à l’état d'inertie d'où elle avait été tirée (4) ».

1. La Révolution, t. I, liv. 41, p. 68-70.