La terreur à Paris

LES SALONS DE PARIS 241 et à cet égard n’excitait aucune convoitise parmi ses juges ; peu ou point de haine politique non plus, ce jeune militaire n’était qu'un homme de main. La jeune fille se mit donc à solliciter le tribunal, depuis le commis-greffier . jusqu'à Fouquier-Tinville ; et on parut assez disposé à l'acquitter, s’ilse conduisait avec prudence. La jeune fille l'en instruisit, se fit donner mille promesses, et il n'en tint aucune. Lorsqu'on lui apporta la liste des jurés, il la prit et en alluma sa pipe, et il en fit ainsi jusqu'à la troisième fois. Cette fois pourtant on devait procéder au jugement. Plusieurs prisonniers se réunirent pour montrer à Gosnay la folie de sa conduite : comment ne pas chercher à se conserver pour une femme charmante qui l'aimait pour lui-même ? Gosnay, continue Beaulieu, ne cessa de faire des folies ; mais tout était naïf, il n'y avait rien de forcé. Quand l'heure fut arrivée, il nous embrassa tendrement et nous dit en riant: « Vous m'avez donné un bon déjeuner dans ce monde ; je vais vous faire préparer à souper dans l’autre, donnez-moi vos ordres. » Il suivit les gendarmes qui l’attendaient. Ni l'accusateur public, ni le président du tribunal ne parurent suivre à son égard le système de persécution qui leur servait de règle dans la plupart des affaires ; mais Gosnay, au lieu de nier aucun des faits dont il fut accusé, au lieu de saisir aucune des réponses qui lui furent indiquées, s’accusa de tout, donna à tous les délits qu'on lui reprocha une intention positive. Lorsque son défenseur voulut prendre la parole en sa faveur, il lui dit : « Monsieur le défenseur officieux, il est inutile de me défendre ; et toi, accusateur public, fais ton métier, ordonne qu'on me mène à la guillotine. »

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