Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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politique d’un homme, on laisse à l’irréflexion, aux préjugés, aux passions, le temps d’imprégner les esprits d’une multitude d’erreurs qu'il devient difficile d'effacer. Fontenelle et Arago professaient cette opinion. Je me range sous leur bannière et je donne tort pour cette fois-ci au bon vieux maître ancien.

De plus, pour acquérir des idées nettes et exactes sur le rôle politique, social et intellectuel joué par un homme, il faut l’observer sur les lieux mêmes où il est né, où il a grandi, où il a vécu, où il est mort. Il faut encore lire les œuvres qu'il a laissées, suivre les recherches qu'il a faites, se rendre compte de ses découvertes, de leurs applications, de leur destinée. Il faut de plus connaître tout ce qu’on a écrit sur lui, non seulement dans son propre pays, mais aussi à l'étranger. Il faut méditer ses discours dans les collections poudreuses des journaux du temps, consulter ses Rapports aux assemblées délibérantes ; il faut fouiller les Archives, passer de longues heures dans les Bibliothèques. Il faut en un mot appliquer à cette étude la méthode expérimentale dans toute sa rigueur, comme on le fait aujourd'hui en physiologie. C'est ce que j'ai accompli avant de prendre la plume définitivement pour composer cette monographie d'un homme dont l'histoire est celle de toute une époque et de tout un peuple. Je ne me suis épargné ni temps ni peine, me rappelant toujours le précepte si sage émis par Fontenelle: « Quand un savant parle pour instruire les autres, et dans la mesure exacte de l'instruction qu'ils veulent acquérir, il fait une grâce; s’il ne parle que pour étaler son savoir, on fait une grâce en l’écoutant. » Je n'ai pas voulu, lecteur, vous être redevable de quoi que ce soit, et comme j'ai horreur du vide des phrases, j'ai rassemblé beaucoup de