Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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les décorations, tousles honneurs; tandis qu'un homme modeste, plein de probité, de vertus, de talents, du véritable honneur enfin, peut n’avoir aucune de ces distinctions qu'on nomme les honneurs. L’honneur est inhérent à celui qui l’a su acquérir : on se dépouille des autres en Ôtant son habit.

» Mais malheureusement aux yeux du vulgaire, ceux-ci dispensent souvent de l’autre dont ils sont réputés le signe représentatif ; c'est une fausse monnaie qu'on fait souvent passer pour meilleure que celle même qui est de pur aloi; dès lors, la fraude est encouragée ; on néglige la chose même pour le signe et il n’y a plus qu’à perdre pour les gens de bonne foi.

» Sans doute, c'est un grand avantage pour une nation de pouvoir payer avec une branche de chêne ou de laurier, avec des croix ou des rubans, les plus importants services qu'on puisse lui rendre; mais si ces distinctions deviennent le prix de la flatterie, de l'espionnage, de services plus honteux encore, de quelle utilité pourront-elles être bientôt pour cette nation ! Qui voudra se dévouer aux plus sensibles travaux, aux plus dures privations pour les obtenir? Qui ira les chercher dans les camps, si on peut les ramasser à pleines mains dans une antichambre ?

» Cependant, lorsque ces décorations sont devenues à ce point communes et triviales, que ce n'est même plus aux yeux du vulgaire un honneur de les avoir, mais seulement un déshonneur de ne pas les avoir, ceux qui les méprisent le plus se trouvent obligés souvent de les postuler humblement, d’intriguer pour les obtenir; et c’est ainsi que les honneurs factices finissent par tuer le véritable honneur, par produire l’avilissement et la démoralisation, lorsqu'ils devaient élever et épurer les