Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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En effet, depuis Descartes, Fermat, Roberval, Pascal et la découverte du calcul infinitésimal, la géométrie analytique manquait d’attrait parce que les mathématiciens étaient trop analystes et que, jusqu’à Lagrange, ils - s'étaient obstinés à la recherche de ce problème impossible: parvenir à se passer, dans la recherche de la vérité, de toutes combinaisons directes entre les objets concrets eux-mêmes. Carnot est venu pour déblayer le terrain; c’est lui qui a démontré qu'il n'était pas équivalent de mettre un problème en équations et de le résoudre, et qu’en bien des cas, la géométrie avait l'avantage sur l'analyse, Depuis 1803, les géomètres ont cessé de n'être, pour la raison et la clarté, que des analystes.

La géométrie moderne inaugurée par Carnot, a eu pour précurseurs et pour initiateurs, principalement Viète, Roberval, Pascal, Desargues, le Monge de son siècle, comme l’a nommé Poncelet, puis Clairaut, précoce comme Pascal, et savant d'infiniment d'esprit et de réparties vives. C’est lui qui, assistant un jour dans le Comité de l’Académie des Sciences, à la lecture d’un mémoire de statistique sur la valeur des denrées depuis les époques les plus reculées, par Antoine Deparcieux qui n’en finissait pas, s’écria en aparté :

— Cet homme connaît le prix de toutes les choses, excepté celui du temps.

Après Clairaut, viennent Carnot et Monge que l'on peut considérer comme les véritables créateurs des nouvelles doctrines. Immédiatement à côté de ces grands noms, nous devons inscrire ceux de Michel Chasles et de Poncelet, les chefs incontestés du grand mouvement qui, de France, s’est propagé, en Angleterre, en Allemagne, en Belgique, en Italie, partout où les sciences