Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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mathématiques sont en honneur. D'où ce mouvement est-il parti ? Michel Chasles, qui fut notre maître, va luimême nous l’apprendre. Dans son beau discours d'inauguration du cours de Géométrie supérieure, créé par lui en 1846, à la Sorbonne, après avoir retracé, avec sa clarté merveilleuse et sa rare érudition, les progrès de cette science qu'il s'efforçait de replacer au même rang que l’Analyse, Chasles terminait en ces termes :

« C'est dans le sein de l’École polytechnique surtout que les ouvrages de Monge et de Carnot ont porté leurs fruits. Le goût des sciences, implanté dans ce grand établissement par les hommes illustres qui l’ont fondé, s'est conservé grâce à son organisation judicieuse et puissante et a contribué, comme les services militaires et civils, à la gloire et à la grande renommée de cette École célèbre dans le monde entier. »

Carnot fait précéder son ouvrage d’une dissertation préliminaire qui doit être considérée comme la synthèse même du livre. Elle débute ainsi : « Ce titre de Géométrie de Position peut rappeler aux géomètres que l'illustre Leibniz avait conçu l’idée d’une Analyse de Situation; idée qui n'a pas été suivie quoiqu'elle mérite l'attention des savants. L'objet de cet ouvrage diffère de celui de l’analyse de situation : mais il lui est analogue. Leibniz voulait qu’on fîit entrer dans l'expression des conditions d'un problème géométrique, la diversité de position des parties correspondantes des figures comparées, afin qu'en les séparant par un caractère bien distinctif, on püût les isoler plus facilement dans le calcul. Or, cette diversité de positions s'exprime souvent par de simples mutations de signes ; et c’est précisément la théorie de ces mutations qui fait l’objet essentiel des recherches que j'ai en vue et que je nomme Géomé-