Le Comité de salut public de la Convention nationale

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calade d’une invisible forteresse. Répétée par deux fois avec une furie croissante, cette explosion d'énergie donne à la Marseillaise son caractère de tragique grandeur. L’effet produit était intense. Aucun des autres chants de cette époque ne l’égala. Elle excitait un enthousiasme indicible, une sorte de délire parmi les citoyens, qu’elle soulevait un moment de terre pour les transporter dans la région des tempêtes. Elle était chantée dans tous les théâtres, à toutes les représentations. Gossec en avait même fait un opéra dont chaque couplet formait un acte ou un tableau. La scène figurait une place assiégée; et femmes, enfants, vieillards, canons et chevaux l’encombraient. Au milieu était une petite Montagne symbolique. Les différents couplets étaient entremêlés de danses et d’évolutionsguerrières. Arrivés au dernier : Liberté, liberté chérie, — c'étaient des femmes qui le chantaient d’une voix douce, comme une ardente prière, — tous lesregards se tournaient vers la Liberté, représentée par une jeune fille debout sur la Montagne ; les cavaliers saluaient de l'épée, les étendards s’inclinaient, les chevaux eux-mêmes ployaient les genoux. Puis, après un long silence, les trompettes jouaient, les tambours battaient, le tocsin sonnait, annonçant l'approche de l’ennemi ; et, contrastant avec le refrain qui venait d’expirer doucement, le terrible : Aux armes ! retentissait... Un demi-siècle après, les vieillards se sentaient tout émus lorsqu'ils rappelaient de pareils souvenirs !

Si l'âme populaire vibrait ainsi aux accents de la Marseillaise, on s’imagine sans peine quel religieux frisson devait sentir passer en elle la quintessence même de la nation, l'Armée, pour laquelle ce chant avait été