Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916
PARMI CEUX QUI NE CHANTAIENT PLUS 241
— Les voyez-vous? me dit l'officier. Ils m'épient. Corfou n’est qu’à trente minutes d'ici. J'ai voulu m'y rendre une fois. Mes hommes m'ont arrêté. Je leur ai dit : « Je vais revenir! » Ils m'ont répondu : « Non, commandant ! Nous ne te croyons plus! » Je leur ai tant menti! Ils ont peur que je les abandonne. J’airenoncé depuis à m'éloigner du camp. Mais, hélas! depuis quatre mois aucun d'eux n’a chanté.
Nous retournâämes vers les tentes. Un maigre feu de bivouac brillait dans la nuit. À l'extrême limite des forces humaines, l'âme serbe m'apparut noyée, perdue, languide dans la paix de l’île enchantée. Mais comme, moi aussi, l'étranger, j'allais peutêtre désespérer de cette âme, voilà que soudain le rude officier me saisit la main. Il la serrait à la briser :
— Monsieur, avez-vous entendu? questionna-t-il. Nous retenions nos souffles. Un bruit venait de naître en effet, à peine perceptible tout d’abord. Était-ce la marée montantvers
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