Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916
242 LE DRAME SERBE
la lagune, était-ce la caresse du vent sur les papyrus, sur les naupals, sur les palmiers ? Était-ce la plainte de la terre d’où s’exhalait avec le soir toute la chaleur acquise pendant le jour?
— Là, dans les bois d’orangers. Écoutez !
Nous écoutions. Le bruit se précisait. Il y avait en lui des notes humaines.
— Monsieur, c’est un chant, le premier depuis quatre mois!
En effet, c'était un chant. Une voix sourde tout d'abord, puis peu à peu plus sonore, lançait devant le feu d’un bivouac des paroles d'une complainte.
— Monsieur, c’est la « Nuit sanglante » qu'ils chantent.
D'autres voix s'étaient jointes à la première, l’enflaient, en faisaient déborder déjà l’écho au delà du bois d'orangers, Et de nouvelles voix, toujours plus nombreuses reprenaient en chœur le poignant refrain :
Bien-aimé, mon bien-aimé !
Finira-t-elle enfin la nuit tragique A la fin de laquelle tu pars pour le combat ?