Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916
14 LE DRAME SERBE
le bruit des lourds souliers battant la route en cadence. Quelques zouayves avaient le front bandé. Un imbécile, près de moi, murmura : « Comme leurs uniformes sont sales ! »
Ils longèrent des maisons turques. Derrière les fenêtres grillées on devinait le recard haineux des femmes musulmanes. Sur le bord des trottoirs, il y avait des Juifs, des Grecs, des Levantins, des soldats hellènes, des popes, des Macédoniennes vêtues d'étoffes brodées. Les zouaves passèrent devant une caserne. Le poste leur rendit les honneurs. La fouleétait toujours silencieuse. On sortit de la ville. Sur le passage du bataillon, une vieille mendiante tendit la main. Un soldat français tira de sa musette un pain et le donna. Alors la vieille qui était une Arménienne échappée par miracle aux massacres de Turquie cria dans sa langue : « Là-bas, ils ont tué mon mari, mes fils, mes filles, mes petits-enfants. Soldat d'une race qui m'est inconnue, laisse-moi embrasser ton fusil qui me vengeral »