Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PIÈCES JUSTIFICATIVES. — DEUXIÈME PARTIE 45

sa liberté, au moins à titre de pardon, et de voir le peu d'effet que produisoit cette requête. « Rien à faire, » disoit le lieutenant général, qui se la faisoit lire, et le secrétaire, avec sa plume de fer, écrivoit sur la requête qu’il n’y avoit rien à faire 4. De manière que dans ce régime de la police, ce n’étoit pas assez de tourmenter un malheureux, dont le crime étoit d’avoir démasqué des vampires poli_ tiques ; il falloit encore désespérer toute une famille ; il falloit isoler le parent qu’elle réclamoit ; il ne falloit donner à cette famille alarmée, ni le moindre espoir, ni la plus petite consolation ; il ne falloit même pas lui faire de réponse. Heureusement, cette victime n’a pas succombé. J.-C.-G. Leprévôt est encore vivant ; il voulut se rendre utile à sa patrie, le sort l’en empêcha, la perversité l'en punit. C’est à l’Assemblée nationale à lui décréter une récompense. Il a soixante-huit ans ; ses longues infortunes l'ont encore affaibli plus que les années. Depuis qu'il est libre, il n’a véeu que des avances que lui a procurées l'intérêt qu’il inspire. Maintenant il est vieux, bientôt il sera infirme, et les représentans du peuple doivent mettre ses derniers ans à l’abri de tous les besoins. Les pertes qu'il a faites lui donnent droit à des dédommagemens, ses souffrances à des secours, et son zèle à des récompenses.

Peoyer DE Décrer.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de la commission des lettres de cachet, sur la pétition du sieur J.-C.-G. Leprévôt, détenu prisonnier pendant vingt-deux ans pour avoir dénoncé un traité de commerce sur les bleds, coupable et nuisible à la prospérité publique ; considérant qu'il est du devoir des représentans du peuple d'accorder des indemnités, des secours et des récompenses aux hommes qui se sont exposés pour être utiles à la patrie, et qui, pour le seul motif du zèle qu'ils ont montré, ont été dépouillés de leurs emplois, de leur fortune et de leur liberté, décrète qu'il y a urgence.

DéÉcRET DÉFINITIF.

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète qu'il sera payé au sieur J.-C.-G. Leprévôt, une pension viagère de 2..., laquelle lui sera comptée depuis sa sortie de sa dernière prison et le recouvrement de sa liberté.

1. Note de la Police sur cette requête, en date du 29 juillet 1771. Autre note du 11 janvier 1769, sur une lettre du 8 précédent: « Le sieur Leprévôt demande : 1° la liberté, et, en attendant, la promenade ; 2 des livres (la dernière édition des œuvres de Voltaire) ; 3° d'écrire à sa mère et à deux ou trois de ses amis... » Néant pour ces articles !!!

2. Le sieur Leprévôt a demandé une pension viagère de 6,000 livres. Il a fait valoir, pour prouver qu'il la mérite, ses longues souffrances, son zèle qui ne s'est point démenti, la perte d'un emploi qu'il assure lui avoir valu 22,000 livres par an, celle d'un riche mobilier dont il n'a pas retrouvé une seule pièce en rentrant dans le monde.

L'Assemblée nationale a voulu que le compte qui lui a été rendu de cette pétition fût imprimé, et s'est réservé à statuer, après l'impression, Sur la pension qu'il étoit juste d'accorder au sieur Leprévôt.

(Archives nationales, section du secrétariat, A. D. XVIII.)

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