Le système continental et la Suisse 1803-1813

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mais il leur parla de manière à leur épargner toute espèce d'illusions. Il déclara nettement que la France avait en surabondance les marchandises nécessaires à sa propre consommation. De même que pour son commerce d'importation, la Suisse ne devait compter sur aucune concession. « Vous souffrez, dit-il, en terminant, parce que tout le monde souffre prodigieusement. Le moment est bien défavorable pour demander de l'introduction. L'Empereur n’est point intentionné de faire du mal à l’industrie de la Suisse. Ce qui se fait n’est point système; cela se trouve par la force du moment et il n’est pas dit que cela sera toujours ainsi. Trois à quatre mois peuvent apporter du changement. » Malgré la forme atténuée des paroles de Montalivet, c'était un refus catégorique. Toutes les assurances de Muller-Friedberg, à Saint-Gall, ne réussisent pas à déguiser son échec!. Du reste, le point de vue de Reinhard avait triomphé à la Diète; le mot d’ordre fut donné à la députation de porter tout son effort sur l'évacuation du Tessin. Au mois de mai, il devint évident qu'on avait manqué le but et le Landamman donna à la mission l’ordre de rentrer en Suisse.

Elle eut à attendre encore deux mois l’audience finale, qui leur fut accordée par l'Empereur le 27 juin, mais dans quelles conditions! Le discours prononcé entre temps à la Diète par Sidler, tout inoffensif qu’il fut, déchaïna sur la tête des députés une explosion de colère et servit de prétexte à une rupture complète des négociations. La « harangue incendiaire » du député de Zoug équivalait, pour l'Empereur, à une véritable déclaration de guerre. On l’avait menacé, et dans ces conditions, il ne voulait pas paraître céder à la violence; toute délibération était maintenant devenue très difficile, sinon impossible. Cette scène jouée avec le tragique voulu se termina par les mots restés historiques : « Un beau jour, à minuit, je signerai la réunion. »

1 Wartmann, p. 284 ss.