Le système continental et la Suisse 1803-1813

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Avec quelque raison, Heer soupçonnait une spéculation sur cet article. En effet, l’industrie indigène étant complètement épuisée, ne pouvait matériellement justifier cette recrudescence, qui, d’après l’idée du commissaire général, devait se déverser en contrebande sur la France !. De tout temps, Heer avait déployé dans l’accomplissement de ses fonctions une minutieuse exactitude. Le sentiment de ses responsabilités lui inspirait une anxiété continuelle et le poussait à appliquer impitoyablement aux cas les plus clairs les mêmes formalités rigoureuses qu'aux marchandises douteuses. A plusieurs reprises, dans le courant de l’année 1811, ce zèle exagéré avait provoqué les vives réclamations des commerçants, trop éprouvés par les décrets impériaux pour se résigner à subir ces vexations de leur propre administration.

Le seul mot de contrebande avait porté jusqu’à l’affolement la nervosité du malheureux commissaire. Les formalités à la frontière à la suite de ces deux incidents devinrent intolérables. Elles constituaient un sérieux complément d’entraves au commerce, à un moment où le moindre retard dans l'expédition et la vente des marchandises pouvait, par une hausse ou une baisse subite des prix, causer de graves pertes. Tous les certificats, sans exception, devaient passer entre les mains de Heer et lui être, à cet effet, expédiés à Glaris. Un cas paraissait-il présenter la moindre anomalie, même sur une question secondaire, le commissaire tenait alors à faire couvrir sa responsabilité par le Landamman et à envoyer les documents suspects jusqu’à Berne ?. Ces opé-

1 Voir $ 8.

2 C'était le cas lorsque, par exemple, les certificats n’étaient pas arrivés à la station frontière exactement en même temps que la marchandise à laquelle ils appartenaient ou lorsque la date des papiers ne semblait pas correspondre avec la distance du point d'expédition. D’autres exemples feront mieux comprendre les scrupules exagérés de Heer. Ne s’était-il pas, en 1811 déjà, avisé subitement de suspecter les acquits de sortie des marchandises coloniales venant de France et qui attestaient le paiement dans ce pays de la taxe extraordinaire. De tous les certificats délivrés en Europe, ceux-ci semblaient pourtant présenter les meilleures garanties de sécurité, et devaient