Le système continental et la Suisse 1803-1813

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et de laine, qu’ils ne tardent pas à reléguer à l’arrière-plan. Ils se lavent plus facilement, constituent un habillement commode et agréable, se prêtent mieux à toutes les formes ; appuyés par la mode, ils font bien vite la conquête de l'Europe {.

L’Angleterre, maîtresse de la mer, dispose des matières premières, surtout depuis la conquête des colonies françaises, de la nouvelle industrie. Parmi les denrées coloniales que transportent ses vaisseaux, les cotons prennent une des premières places. Des capitaux énormes sont engagés dans les manufactures de coton qui constituent une des bases de la richesse financière britannique. Lorsque Napoléon aura atteint ce nœud vital de l'Angleterre, la réalisation de sa politique aura fait un grand pas. Tout naturellement c’est aux cotons que le système continental livrera ses plus rudes assauts.

Deux alternatives se présentent à l'Empereur : dans la première, il créera en France une industrie capable à elle seule d’approvisionner le continent et qui trouvera ses matières premières en Europe même, car l’on ÿ aura préalablement acclimaté la culture du coton. Si au contraire cette tentative n’aboutit pas, si Napoléon n'arrive pas à faire produire à l’Europe l’arbrisseau asiatique en proportions suffisantes, il prendra le second parti. A la révolution économique opérée au dix-huitième siècle, il opposera une gigantesque contrerévolution par l'expulsion complète du coton; l'Empereur, ses sujets, ses alliés et le monde entier enfin s’émanciperont des nouveaux produits et reviendront aux anciens tissus de lin ou de soie ?.

Pour réaliser la première partie de cet étonnant programme et donner à la France le temps de créer ses nouvelles ressources industrielles, il procédera d’abord à une

1 Beer, p. 334-375.

2 «Si j'avais pu réussir à faire filer le lin comme le coton, j'aurais donné un million à l'inventeur et l’on serait arrivé. Dans le cas contraire, j’aurais

prohibé le coton si je n’eusse pu le naturaliser sur le continent. » (Discours au Tribunat.)