Le système continental et la Suisse 1803-1813

L'industrie cotonnière en Suisse: sa matière première ; ses débouchés,

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série de prohibitions radicales. Ces mesures, nous l’avons vu, ne visent pas seulement l’Angleterre, elles frapperont aussi le pays dont les conditions ont été, après celles du RoyaumeUni, le plus profondément modifiées au dix-huitième siècle par l’avènement du coton, la Suisse.

L'industrie des cotons, plus ancienne en Suisse qu’en Angleterre, existait déjà dans les cantons au quinzième siècle! Après une éclipse, elle reparaît à la fin du dix-septième, et, d’un élan, conquiert le pays dans la première moitié du dixhuitième siècle. Aux deuxième et troisième quarts du dixhuitième siècle, c’est la petite République montagnarde qui, relativement au nombre de ses habitants, occupe en Europe de beaucoup la première place dans le travail des cotons. Sa consommation en matière brute égale à peu près celle de la Grande-Bretagne ; ses produits manufacturés sont supérieurs en qualité aux marchandises anglaises, surtout dans les articles fins ?.

Pour comprendre à quel point cette industrie a pénétré le pays de ses branches ramifiées à l'infini, pour se rendre compte de l’importance qu’elle a prise pour toutes les classes de la population, il suffit de lire les récits des voyageurs qui parcoururent la Suisse au dix-huitième siècle, Fäsi Norrmann, Gœthe, dans son roman Wi/helm Meister, Pestalozzi dans celui de Léonard et Gertrude.

C’est, d’après l’expression de ce dernier, une véritable «frénésie de coton ». Des districts entiers, surtout dans la Suisse orientale, à Saint-Gall, Zurich, Glaris, abandonnent leurs anciennes occupations pour filer ou tisser la nouvelle matière dont le travail plus facile, plus accessible aux enfants, dont le rendement plus sûr amène une diffusion rapide.

! Le plus ancien document se rapportant à l’industrie des cotons en Suisse a été trouvé à Zurich et date de 1483. C’est un décret du Conseil interdisant la vente du coton brut aux étrangers.

Burkli, Mech. Baumwollspinnerei, p. 2.

? Ce n'est qu'à partir de 1770 que l’Angleterre reprend l’avance qu’elle ne perdra plus désormais.

Jenny, I, p. 85.