Le système continental et la Suisse 1803-1813

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la fabrication des tissus de coton. Dans les premiers mois, comptant sur le caractère transitoire de ces mesures, animés aussi du désir de ne pas priver leurs ouvriers de tout moyen d’existence, les fabricants avaient continué à travailler ; leurs entrepôts débordaient de marchandises. Les commandes de France, abondantes au printemps de chaque année, avaient complètement cessé en 1806. Dans le canton de Zurich seul, d’après les rapports des marchands de Winterthour, 600 000 pièces de cotonnades encombraient les magasins sans perspective d'écoulement. Le moment approchait où ni les capitaux ni le crédit des industriels suisses ne leur permettraient plus d’amasser sans issue .

Le contre-coup de cette situation commençait à se répercuter sur la population. Les ouvriers, que le gain facile des dernières années du dix-huitième siècle n’avait guère accoutumés à l’épargne, voyaient tomber leurs salaires. Ils entrevoyaient déjà les terribles alternatives de la contrebande, de l’émigration ou de la misère, qui dans la suite devinrent plus pressantes encore ; un grand nombre demandaient leurs passeports 2. Les plaintes étaient particulièrement vives dans les Rhodes d’Appenzell et les districts du Toggenbourg ?.

Cet état des choses, les marchands de cotonnades de Win-

1 Citons ici une lettre adressée à l’A//g. Ztq., qui, se plaçant au point de vue du gouvernement français, cherchait à justifier les mesures de brumaire. Son auteur y parlait de impulsion donnée dans la contrée de Lyon à la filature et à la fabrication des tissus de coton par l’appoint de plusieurs maisons suisses, arrivées dans le pays à la suite des décrets prohibitifs. Nous n’avons pas d’autres renseignements sur cette émigration ; néanmoins, ces affirmations exagérées à dessein contenaient certainement une part de vérité. En 1807, les délégués d’Appenzell demandaient à la Diète des mesures pour prévenir de nouveaux départs d’industriels suisses pour la France. Ces démarches se rapportaient-elles aux faits que nous venons de signaler, ou visaient-elles les fabriques bäloises de rubans qui en 1806 s'étaient transportées en Alsace ? C’est là un point que nous n'avons pu éclaircir.

Allg. Ztg., 18 mars 1804 ; — Recès, 1807.

2 Voir $ 19, le mouvement d’émigration en 1803 et 1804.

3 Allg. Ztq., 19 août 1806, Corresp. de Suisse.