Le système continental et la Suisse 1803-1813

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points de jonction des grandes voies du continent. Après les guerres de la Révolution, lorsque le commerce méditerranéen, refoulé vers l'Est, eut abandonné Gênes et la côte occidentale de lItalie pour se concentrer sur l’Adriatique, Trieste en devenait le centre naturel. Cette place jouait ainsi dans le Sud le rôle de Leipzig dans le Nord, disposant en plus de l'avantage d’une route maritime. Port franc, elle devenait un centre de spéculations, un marché de toute importance pour le commerce des matières premières et en même temps, un débouché des marchandises prohibées sur le reste du continent. Trieste avait pour la Suisse une valeur toute spéciale. Au dix-huitième siècle, plusieurs maisons de commerce s’y étaient fixées ; d’autres y avaient établi des succursales en vue d’assurer l’écoulement des produits manufacturés et l'achat des matières premières.

La moindre atteinte portée à cette place se répercutait sur l’Europe entière ; à plus forte raison, le blocus de son port, poursuivi plusieurs mois par la flotte anglaise, prenait-il peu à peu les proportions d’une catastrophe continentale. Sa fin, en 1807, fut saluée comme une délivrance.

Les mois suivants, l’activité redoubla à Trieste. Les Suisses pouvaient désormais y déverser les marchandises que l'Italie n'aurait pas accueillies et reprendre avec la Péninsule méridionale et la Sicile des relations de commerce !. La reprise des affaires sur l’Adriatique leur offrait enfin l’occasion de se créer un nouveau débouché, celui de la Dalmatie et de l'Ilyrie. Ces provinces, sur lesquelles lattention des commerçants helvétiques avait été probablement dirigée par leurs compatriotes de Trieste, étaient un champ fructueux. Les produits manufacturés suisses s’adaptèrent aux besoins du pays; il parut à l’usage des habitants de la côte dalmate de nouvelles spécialités de fichus et de mouchoirs.

1 En Sicile, où, avec l’appui de l'Angleterre, régnaient encore les Bourbons, le commerce suisse avait toujours à lutter contre la concurrence bri-

tannique solidement établie das l’île. Wartmann, p. 326.