Le système continental et la Suisse 1803-1813

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temps encore avec les énormes réserves de marchandises accumulées par les Anglais dans le cours des années précédentes. Elle devra en attendre l’écoulement pour reprendre son entière liberté. Le vent tourne, les premiers symptômes d’un changement se manifestent à Francfort, place plus directement soumise à l'influence française et que les Anglais ont promptement abandonnée. En 1807, les commerçants suisses y reparaissent timidement et y travaillent non sans quelque succès!. À Leipzig, la situation ne s'améliore pas aussi vite; pourtant, la même année, les rapports de la foire d'automne signalent sur le marché la présence d’une maison de Trogen, ce qui semble extraordinaire après l’absence totale des Suisses dans les années précédentes 2.

En 1808 c’est le moment décisif. La paix de Tilsitt a ramené les acheteurs russes et leur numéraire. Elle a achevé le blocus de la Baltique et paraît avoir fermé les chemins les plus reculés aux Anglais. Ils réussissent bien à jeter sur le continent par petits chargements, leurs produits manufacturés et leurs denrées ; mais ces filtrations de la contrebande ne représentent qu'un élément négligeable du marché. Au printemps déjà, les tissus suisses ont cause gagnée. Ils apparaissent pour ainsi dire officiellement comme « surrogats » des étoffes anglaises.

On constate bientôt à cet égard un indice caractéristique. Jusqu’alors, les Russes et les Polonais n’ont accordé que peu d'attention à tout ce qui ne porte pas l’estampille du Royaume-Uni; ils ont épuisé maintenant les dernières réserves anglaises et se rabattent dès ce moment sur les marchandises suisses tout en traitant avec mépris et défiance certains articles qui leur paraissent de grossières imitations des tissus britanniques. Hâtons-nous d’ajouter que cette catégorie d’acheteurs est la seule qui s’exprime de cette façon

A

dédaigneuse ; d’autres témoignages s'accordent à louer les

1 Moniteur, 28 octobre 1807. ? Allq. Ztq., 14 novembre 1807, Herbstmesse.