Le système continental et la Suisse 1803-1813

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indispensables à la fabrication des filés de mousseline aussi bien qu’à la filature mécanique indigène !? Comment remplacer les cotons brésiliens dont le commerce était coupé dans le Midi de l’Europe et parer à la hausse démesurée des prix qui en était résultée?? Ce grave problème trouva sa solution inattendue dans l’heureuse arrivée d’un auxiliaire jusque-là inconnu en Suisse : les cotons de l'Amérique du Nord. Cette catégorie connue désormais sous le nom général « de cotons des colonies » n’avait fait son apparition, même en Angleterre, qu’à une époque relativement récente *, et n’avait abordé le continent que dans les premières années du siècle. Elle survenait à point donné pour se substituer aux produits du Brésil.

Les cotons américains pénétraient en Europe par les routes septentrionales ; ils suivaient tout naturellement la route

1810 à la Suisse comme un complément sérieux aux matières premières du Levant. Et que signifiaient dans ces conditions les avantages accordés en 1811 par la Diète à l’importation des cotons italiens ?

1 On calculait que d’une façon générale les cotons du Levant pouvaient servir à la fabrication des filés jusqu'aux Nos 40 à 50, à partir desquels il fallait employer les cotons d'outre-mer.

Allg. Ztg., 9 juillet 1808.

2 Les journaux signalent encore de temps à autre quelques arrivages de cotons brésiliens qui, débarqués en Espagne, pénètrent en Suisse avec de faux certificats. Ce fait exceptionnel se présenta entre autres dans les derniers mois de l’année 1808. Les produits du Brésil n’en avaient pas moins subi une hausse extraordinaire. Ils étaient inaccessibles à la filature mécanique du continent, la livre en revenant au même prix que la livre de coton filé. En Hollande et en France, les 100 livres de « Maragnon » coùtaient en 1810, 800 fr. Le prix des 100 kg. sur le marché de Paris en 1811 variait entre 1450 et 1700 fr. Le « Fernambouc» montait jusqu’à 1600 et 1700 fr. En Suisse, la valeur des cotons brésiliens avait en moyenne, d’après Bürkli, triplé depuis Le dix-huitième siècle. Hungerbühler nous indique que dans le Toggenbourg 100 livres de « Maragnon » coûtaient 660 gulden, mais ne nous donne pas l’année.

Gem. Schw. Nachr., 13 juin 1808; — Al/g. Ztq., 20 novembre 1808 (Michaelismesse), et 13 mars 1809 ; — Wartmann, p. 307, 3; — Bürkli, Seidenindustrie, p. 173. — Hungerbübler, p. 82.

3 Les premières plantations dans l'Amérique du Nord datent de 1780 environ. On donnait aussi à cette catégorie de coton les dénominations plus spéciales de « Géorgie » et de « Louisiane. »