Le système continental et la Suisse 1803-1813

ol

Les événements qui suivent sont une démonstration des tracasseries sans nom auxquelles le gouvernement impérial en était arrivé pour réaliser son programme, et qui faisaient paraître à tous cent fois préférable la tyrannie économique de l’Angleterre. A l’endroit de la Suisse, ces vexations furent particulièrement humiliantes et douloureuses; il semblait que la France voulût, pendant ces derniers mois de l’année 1810, faire sentir à son alliée d’une façon plus cruelle encore la tutelle sous laquelle elle la maintenait.

Le 11 novembre déjà, deux jours après la promulgation du Règlement provisoire, le Landamman recevait un avis de Talleyrand lui annonçant l’arrivée en Suisse d’un sieur Lothon, inspecteur des douanes françaises dans la division de Strasbourg. Ce fonctionnaire avait reçu de son gouvernement la mission de passer de canton en canton pour vérifier l'exactitude des tableaux de denrées coloniales établis par les autorités. L'annonce de ce contrôle, assez blessant en luimême, était accompagnée &’exigences infiniment graves.

Toutes les denrées, déclarait la note, qui ne pourraient pas rigoureusement justifier de leur qualité de propriété suisse, devaient être mises de côté et restaient à la disposition de l'Empereur : « Car, disait-on, toutes ces marchandises ne pouvaient avoir été jetées en Suisse que pour être soustraites aux mesures prises par la France en Allemagne !. »

C'était là une violation flagrante de la liberté du commerce si souvent invoquée par l'Empereur. On disposait ainsi, arbitrairement, de toutes les marchandises amenées en pleine sécurité en Suisse par le transit ou en dépôt dans les magasins des commissionnaires de maisons étrangères. Cet attentat à la propriété privée avait été déjà pratiqué couramment dans plusieurs pays de l’Europe, notamment dans certaines parties de l'Allemagne, le Mecklemburg par exemple, où de nombreux partis de marchandises en transit avaient été simplement confisqués au profit de la caisse impériale. On allait

1 Note de Talleyrand du 11 novembre 1810.