Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, page 127

LA TERREUR 115

Dans ce milieu d’agitation, de bouleversement général et de crise politique aiguë, quel rôle jouait donc le théâtre?

On le croirait difficilement, il déployait, cependant, une somme d'activité prodigieuse et féconde, car, dans la seule année 1793, inaugurée par la condamnation et l'exécution de Louis XVI, deux cent cinquante pièces des genres les plus variés virent le feu de la rampe sur les divers théâtres de Paris.

En 1794, on en compte plus de deux cents, dont les deux tiers environ ayant un caractère politique, et où figurent les noms de cent vingt-huit auteurs.

Tele est l’abondante production, le formidable bilan théâtral de la période vouée au terrorisme!

Il semblait, vraiment, qu'on s’elforçât de sortir de l'atmo<phère de sang dans laquelle on se sentait enveloppé, de se soustraire aux poignantes anxiétés d'un lendemain menaçant et terrible, en recherchant, avec une sorte de griserie instinctive, de besoin d’étourilissement, et âvec le plus d'ardeur, les ouvrages dont la peinture était la plus opposée à l'état social du moment.

C'est ainsi qu'au Théâtre-Français de la rue Richelieu, où se jouaient cependant les pièces les plus révolutionnaires, tout Paris allait admirer et applaudir la jolie et spirituelle citoyenne Candeille, dans la comédie-pastorale en trois actes, dont elle était aussi l'auteur, jouée, pour la première fois, le 27 décembre 1792, et portant pour titre : Cutherine ou la Belle Fermiére (1).

Cette pièce, essentiellement romanesque et sentimentale, fut jouée, avec un immense succès, et jus-

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(1\ Dans la préface de sa pièce, Mie Candeille dit qu'elle ne l'avait d'abord intitulée que Catherine, et que c'est en cédant aux pressantes sollicititions de ses camarades qu'elle ajouta ce sous-titre : où La Belle Fermière.

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