Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma
2 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION
Des petits appartements de Versailles la mimomanie se répand dans les hôtels de Paris, les châteaux des alentours et jusque dans la bourgeoisie, les pensionnats et l’armée (1).
C’est par centaines que se comptent, à Paris, les théâtres de société, sur lesquels se produisent et se révèlent « des génies de nature, de grandes comédiennes et d’admirables chanteuses ». « Plus de dix de ces femmes du grand monde, dit le prince de Ligne, jouent et chantent d’une façon bien supérieure à ce que j'ai vu de mieux sur tous les théâtres. »
Il y avait tel château, celui de Saint- Aubin, où la dame du logis, pour avoir une troupe suffisante, enrôlait ses quatre femmes de chambre, faisait jouer Zaire à sa fille âgée de dix ans, et pendant plus de vingt mois ne faisait pas relâche (2).
Cette passion du théâtre, si généralisée, est bien exprimée par le Francaleu de la Métromanie de Piron :
J'ai vu ce charme en France opérer des miracles,
Nos palais devenir des salles de spectacles ;
Et nos marquis, chaussant à l’envi l’escarpin, Représenter Hector, Sganarelle et Crispin.
On aurait pu dire avec Juvénal : Natio comæda est (3).
(1) Plusiéurs officiers ayant même abandonné l'armée, pour se livrer à cette passion et se faire comédiens, le marquis de Monieynard, un ministre rigide, crut devoir faire un règlement « défendant à tout officier dans leS garnisons de jouer la comédie ». (Mémoires secrets, t. VI, p. 105.)
(2) Taine, L'ancien régime.
(3) On citait comme principaux théâtres de société :
Celui de Mr° de Montesson, où elle figurait elle-même en véritable comédienne, dans ses propres pièces; — Celui de M.de Vaudreuil, à Gennevilliers. (Correspondance de Grimm,