Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

314 LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

La représentation du 17 thermidor an V, au théâtre Louvois, comprenait la comédie des Trois frères rivaux, de Lafont. Le valet s'appelait Merlin et était représenté par Larochelle.

Or, par une singulière coïncidence, le ministre de la justice d’alors était Merlin de Douai.

S'adressant au valet, un personnage de la pièce lui dit: « Merlin, vous êtes un coquin... ». Et les applaudissements éclatent à ces mots dans toute la salle. « Monsieur Merlin, continue l’acteur en scène, vous finirez par être pendu... » -

A cette prédiction, c’est un véritable délire débordant ; on crie, on hurle, on trépigne de joie.

En apprenant ces manifestations indécentes, le ministre de la justice irrité fit bientôt comprendre aux comédiens leur maladresse insigne.

Cet incident concordait précisément avec le 18 Fructidor, ce coup d'Etat à la suite duquel Merlin de Douai remplaça un des deux membres du Directoire expulsés par leurs collègues. Bien que la pièce où s'était produit le scandale eût été retirée du répertoire, il obtint néanmoins du Directoire un arrêté contre les comédiens du théâtre Louvois, prononçant la fermeture de ce théâtre, dans lequel il avait reçu cet affront, fermeture qui eut lieu effectivement à la date du 24 fructidor (10 septembre 1797), anéantissant ainsi tous les efforts de M'®° Raucourt pour créer une nouvelle salle rivale de celle de l’ancien ThéâtreFrançais. Cette clôture remit seuls en présence les deux théâtres consacrés à la comédie et à la tragédie : le théâtre de la République, rue de la Loi, et le théâtre Feydeau.

C'est à ce dernier théâtre que le drame en cinq actes et en prose de Beaumarchais, L'autre Tartufe ou la mère coupable, représenté pour la première fois