Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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Antérieurement, nous avons tracé un aperçu du

public étrange et mêlé qui fréquentait alors les théä-

tres, et servait de modèles aux auteurs dramatiques dans des pièces satiriques et toutes d'actualité.

On comprend que dans un pareil milieu les scandales devaient être fréquents.

C’est ainsi que M.-J. Chénier, se trouvant, un soir, au théâtre de la République avec M"° La Boucharderie (1), sa maîtresse, voit une jeune homme nommé Amédée de Kerboux entrer dans sa loge et s’y installer, en gardant son chapeau sur sa tête. Chénier veut le décoiffer, et le jeune homme le frappe au visage avec son gant.

Un duel s’ensuivit, le 15 ventôse an V. Quatre coups de pistolet furent éhangés, et Kerboux reçut une balle au-dessus des côtes (2).

Scandales aussi dans le monde du théâtre.

La belle citoyenne Lange, qui avait débuté au Théâtre-Français en 1788, qui, après l'avoir quitté avec Talma pour jouer au théâtre de la République, y était revenue créer brillamment le rôle de Paméla, occupait fort le public de ses aventures galantes. Après le 9 thermidor, elle joua d’abord au théâtre de l'Égalité, puis au théâtre Feydeau.

Son procès avec M. Hoppé, un de ses anciens amants, eut surtout un grand retentissement, quand

(1) Eugénie de la Boucharderie, comtesse de l'Esparda, acquit une certaine célébrité par l'amour qu’elle avait inspiré à Chénier, et les vers qu'il lui adressa. La chronique prétendit que, ne se piquant pas de fidélité, elle lui avait donné des rivaux, notamment le général Bonaparte. Aussi, dans une épitre à Eugénie, où Chénier cite l'exemple de Ninon, se trouvent ces deux vers:

En amour connaissant l'ivresse, Mais très peu la fidélité.

() Petite Poste, ventôse an V.