Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

2Â LE THÉATRE-FRANÇAIS PENDANT LA RÉVOLUTION

Quelques jours après, se produisait, à l’occasion d’une pièce déjà ancienne, une manifestation dont l’auteur n'avait certes pas eu la prévision.

Le 30 juillet, on jouait, en reprise, l’Ambitieux et l’Indiscrète, tragi-comédie en 5 actes de Destouches, bien ignorée aujourd’hui, et à juste titre. Sa première apparition datait de 1737. M'!° Contat, dans le rôle de l’Indiscrète, créé par M! Quinault, et Molé, dans celui du ministre, déployèrent beaucoup de talent.

Précisément l’avant-veille de cette reprise, M. Necker, éloigné par des intrigues de cour, avant le grand événement du 14 juillet, venait d’être rappelé par le roi, et l'opinion publique saluait son retour avec transport.

Dans le probe et sage Don Philippe, placé par Destouches en opposition avec l’ambitieux Don Fernand, le public enthousiaste voulut voir la personnalité de ce ministre, alors au comble de la popularité. Tous les éloges prodigués à l’homme d’État castillan fu-

porteurs de l’ordre qu'on leur avait conféré, vinrent solennellement, avec une escorte de musiciens, offrir, le 1 janvier 1790, au jeune Dauphin un jeu de dominos fait avec des pierres et du marbre pris dans les démolitions de la Bastille. Sur une plaque de marbre gris veiné étaient gravés en lettres d’or les vers suivants :

De ces cachots affreux, la terreur des Français, Vous voyez les débris transformés en hochets; Puissent-ils, en servant aux jeux de votre enfance, Du peuple vous prouver l'amour et la puissance.

. Confié à M®e Campan, ce jeu de dominos, lors de l’envahis-

sement des Tuileries, le 10 août 1792, fut, ainsi que son couvercle, brisé en plusieurs morceaux qui, ramassés avec soin par celle-ci, ont séjourné aux mains de l'éditeur de Me Campan et de sa veuve, M"° Barrière, jusqu'à notre époque. Enfin ces précieux débris d’un jeu que la reine Marie-Antoinette appelait « un sinistre bijou », et que M": Campan, dans sa notice, qualifie de « bizarre monument de l’effervescence populaire », figurent actuellement au musée Carnavalet.

L’authenticité de cette pièce est établie par l’Intermédiaire des chercheurs et des curieux.