Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

158 LES CAHIERS DES CURÉS

supérieure du clergé et élu membre de l’Assemblée provinciale d'Orléans.

Il avait acquis la pratique des affaires et ses idées étaient assises, lorsque la crise de 1788 l’amena à intervenir avec plus de succès qu'aucun autre des publicistes de son temps, dans la préparation résolue de la Révolution française. La vieille société lui paraissait, rappelle M. Mignet, « une pyramide renversée qu'il fallait remettre sur sa base. » IL repoussait déjà la démocratie pure de Jean-Jacques Roussceau ; il ne tenaitpour légitime cet pratique que le gouvernement représentatif. Mais, d'autre part, il ne suivait pas l'école historique de Montesquieu. Il ne faisait aucun cas de la tradition, il cherchait le droit strict en dehors de la société existante, dont d’ailleurs il n'estimait rien d’utile, rien de possible à conserver.

Son premier ouvrage, l'Essui sur les privilèges (1), est la démonstration, pour ainsi dire mathématique, de l'iniquité et de l'absurdité de toute « dispense à la loi, » de tout « honneur » en dehors du droit commun, de toute « distinction » qui ne répond pas à un service public. — Ecclésiastique, l'auteur s’abstient d'attaquer en particulier le clergé. Mais son ironie ne le respecte pas plus que la noblesse, lorsque, généralisant toujours, il décrit la « mendicité privilégiée », et rappelle le nom que les anciens États généraux donnaient au Cahier des deux premiers Ordres : « le Couplet du mendiant. » Sans paraitre s'occuper du milieu social dans lequel il vit, il va droit à la négation de tout ce qui est faveur et grâce, il entre de plain pied et se fait suivre dans la société naturelle, juste, où l'on ne connaitra plus que des citoyens libres, égaux devant la loi, expression de la volonté générale.

Dès que la date des États généraux est annoncée, l'abbé

(1) Un vol, in-8, 1788.