Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

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Au rang de fonctionnaires, il réduit et les nobles et Les ecclésiastiques, aussi bien que les magistrats et les administrateurs. On a accordé au Tiers-État un nombre de députés égal à celui des deux Ordres privilégiés. C'est, écrit-il, une « timidité qui se ressent des vieux temps » et dont l’iniquité éclate à la raison. Que sont, en effet, — devant la Nation, qui compte 25 ou 26 millions d'âmes, — 200,000 privilégiés, dont 110,000 nobles et 81 ou 82,000 ecclésiastiques ?

Détaillant ce dernier chiffre, abbé Sieyès laisse éclater aux yeux l’iniquité de la répartition des biens de l'Église et la toute-puissance du clergé inférieur, à la portion congrue, contre les bénéficiers, moines, chanoïnes, abbés ct évêques : 28,000 privilégiés à peine vis-à-vis de plus de 53.000 opprimés.

Cependant il ne dit pas un mot de la réforme particulière de l'Ordre auquel il appartient. Sa logique de parti-pris élimine les considérations spéciales pour nier radicalement le droit de n'importe quel privilège ou privilégié à la représentation politique. Elle prouve, avec la rigueur des chiffres, que le Tiers-État est toute la Nation, et seul a le droit de constituer « l'Assemblée nationale. »

Sieyès prescrit, en conséquence, aux électeurs, convoqués par bailliage ou sénéchaussée et par Ordre, de s'abstenir de tout ce qui risquerait d'être considéré de près ou de loin pour une reconnaissance des priviléges et même de la forme électorale adoptée. 11 signale aux futurs « représentants du peuple » le piège qui ne manquera pas d’être tendu aux États généraux. Il recommande aux électeurs de lier d'avance les élus, afin qu'ils retiennent l’octroi des subsides, l'autorisation de lever l'impôt, pour « leur dernière opération. » Il dresse le plan de la résistance à opposer au maintien des Ordres, il fournit les procédés les plus pratiques afin d'imposer le vote par tôle en Assemblée unique. Il