Les Cahiers des curés : étude historique d'après les brochures, les cahiers imprimés et les procès-verbaux manuscrits

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nation ; eux seuls peuvent défendre leur cause àvec autorité et succès, puisque seuls ils sont « les dépositaires des secrets douloureux des pauvres connus et de ceux qui cachent la honte de leur pénurie ».

Si les curés n’entraient pas aux États généraux, qui y représenterait les malheureux sans propriété ? qui y défendrait leurs intérêts contre ceux des propriétaires, cherchant à garantir le plus possible leurs biens de l'impôt eten laissant retomber la charge principale sur les consommations de première nécessité ? Les faibles, non soutenus, ne seraient-ils pas écrasés par les plus forts, « si les curés, leurs représentants naturels, ne se trouvaient point là pour rompre la violence d’un choc si dangereux ? »

En vain alléguerait-on qu'un tel rôle pourrait être rempli par les évèques et par les abbés des monastères. « Les pauvres des villes ne vont point au fond de la solitude exposer aux anachorètes les causes de leur indigence, et les pauvres des campagnes n'assiègent point Le palais épiscopal pour faire entendre aux pontifes leurs secrets affligeants. C'est au curé que la loi a placé plus près d'eux, c’est au curé qui va les visiter dans leurs pauvres réduits et les soulager sur le lit de douleur, qu'ils ouvrent leur âme et qu'ils laissent voir à nu tous les chagrins dont elle est consumée. C'est done à lui qu'il convient de les représenter aux États généraux et d'y découvrir la source de leurs maux et les moyens d'en arrêter le cours. »

En voyant à l’Assemblée nationale, « ses protecteurs et ses pairs », la classe indigente ne recouvrera-t-elle pas «l’espoir qu'elle semble avoir perdu ? » Et ne sera-ce pas aussi une garantie pour la classe aisée qui regarde les curés comme « ses confidents et ses bons amis? »

Enfin les curés, « pour opérer le bien, ont besoin d’une estime particulière. » Ils sont « des magistrats de paix, d'autant plus utiles, dans l’ordre public, qu'ils n’ont pas