Les hommes de la Révolution

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premier, lui fonctionnaire, il n’hésite pas à proposer l'abolition des fiefs, le rachat des censives, la suppression du droit d'aînesse; il demande qu'on substitue une contribution unique également répartie aux impôts de toute espèce existants alors. C'était là réclamer sa propre condamnation. Et bientôt, Babeuf réussit. Sur la place publique de Roye, on brûle, par son ordre, les archives seigneuriales.

Le 14 juillet, il est parmi les vainqueurs de la

à

Bastille (1). Dès ce jour, il se fixera à Paris où

(1) Dans une lettre à sa femme, Babeuf lui fait un récit à propos de la prise de la Bastille. Il est curieux de confronter ce récit avec ceux qu'en fait Camille Desmoulins. (Voir notre précédent volume):

25 juillet 1789

Je ne puis que te rendre en gros tout ce que j'ai vu et entendu. À mon arrivée, on ne s'entretenait que d’une conspiration dont M. le comte d'Artois et d’autres princes étaient les chefs. Il ne s'agissait, rien moins, pour eux, que de faire exterminer une grande partie de la population parisienne et de réduire ensuite à la condition d'esclaves tout ce qui, dans la France entière, n'aurait échappé au massacre qu'en se mettant humblement à la disposition des nobles, en tendant sans murmurer, les maïns aux fers préparés par les tyrans. Si Paris n'eut pas découvert à temps cet affreux complot, c'en était fait; jamais crime plus épouvantable n'aurait été consommé. Aussi n’a-ton pu songer qu’à tirer une éclatante vengeance de cette pérfidie dont il n’y a pas d'exemple dans l’histoire; on s’y est résolu et l'on n'épargnera ni les auteurs principaux de la conjuration, ni leurs adhérents. Les exécutions ont commencé sans épuiser un trop juste ressentiment. La fureur du peuple est loin d’être apaisée par la mort du gouverneur de la Bastille et la démolition de cette infernale prison, par la mort du prévot des marchands, par le pardon que Louis XVI est venu implorer