Les hommes de la Révolution

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ses affaires, du reste, le retiennent. Sa famille est demeurée à Roye et elle se trouve dans la détresse. Babeuf se désespère; il écrit à sa femme: :

« Je suis désespéré, ma bonne amie, de voir la détresse où je te laisse. Ce moment-ci est terrible à passer et tu sais que ce n’est pas ma faute,

de ses sujets, par le rappel de M. Necker et des autres anciens ministres, par le renvoi des nouveaux régiments et des troupes; il lui faut bien d’autres expiations. On veut encore, dit-on, voir tomber .une trentaine de têtes coupables. M. Foulon qui devait remplacer M. Necker et qui, s'étant fait passer pour mort, il y a quatre jours, avait fait enterrer une bûche à sa place, ce M. Foulon a été arrêté hier, conduit à l'Hôtel de Ville et pendu au moment où il en descendait, Son corps a été traîné dans les rues de Paris, puis déchiré en morceaux, et sa tête promenée au bout d’une pique, a été portée au faubourg SaintMartin pour y attendre et précéder le gendre de M. Foulon, M. Berthier de Sauvigny, intendant de Paris, qu'on amenait de Compiègne, où il avait été arrêté. J'ai vu passer cette tête du beau-père, et le gendre arrivant derrière, sous la conduite de plus de mille hommes armés: il a fait ainsi, exposé au regard du public, tout le long trajet du faubourg et de la rue Saint-Martin, au milieu de deux cent mille spectateurs qui l’apostrophaient et se réjouissaient avec les troupes de l’escorte, qu'animait le bruit du tambour. Oh! que cette joie me faisait mal. J'étais tout à la fois satisfait et mécontent: je disais tant mieux et tant pis. Je comprends que le peuple se fasse justice, j'approuve cette justice lorsqu'elle est satisfaite par l'anéantissement des coupables, mais pouvait-elle aujourd’hui n'être pas cruelle? Les maîtres, au lieu de nous policer, nous ont rendus barbares, parce qu'ils le sont eux-mêmes. Ils récoltent et récolteront ce qu'ils ont semé, car tout cela aura, à ce qu'il paraît, des suites terribles, nous ne sommes qu'au début.»