Les hommes de la Révolution

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si je ne l'ai pas évité. Je suis bien sensible aux efforts que tu fais pour moi. Je te renvoie tes six francs aujourd'hui; s’il faut que quelqu'un de nous souffre, je dois commencer le premier. J’espère pourtant que, dès demain, je pourrai te procurer quelque chose. J'attends une dizaine d’écus de la vente d'une petite brochure (1) de quatre pages que j'ai faite, que l’on a imprimée hier et que l'on va vendre aujourd'hui. Je suis déjà à peu près assuré d’un emploi de huit cents francs qui ne m'occupera pas plus de deux jours par semaine. »

Donc Babeuf lutte toujours pour vivre, mais il n’y réussit guère. Le 26 août 1789, il écrit encore à sa femme:

« Tu me crèves le cœur, ma pauvre petite femme et voilà tout ce que je peux te dire. La parole me manque en réfléchissant à notre position, et j'y réfléchis toujours. Adieu, prends courage, va, je volerai bientôt auprès de mes enfants, je les mangerai de baisers et toi aussi...»

Des biographes peu consciencieux nous ont montré Babeuf à Paris, ne s’occupant pas de sa famille qu'il a laissée dans la misère. Ses lettres sont un démenti formel à toutes ces calomnies. Mais, nous l’avons dit, Babeuf est le grand calomnié. Il n’est pas un de ses actes, pas un de ses écrits, pas une de ses paroles qui n'aient été laborieusement et habilement utilisés et retournés contre lui.

(1) Il s’agit d’une brochure où Babeuf attaque Mirabeau et qui est intitulée: La nouvelle distinction des Ordres par M. de Mirabeau. Babeuf n’a jamais aimé Mirabeau,