Les hommes de la Révolution

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pain! Ma chère amie, tâche pourtant de les empêcher de mourir encore pendant quelques jours. Le citoyen Fournier (1) m'a procuré un petit travail; je dois recevoir quelque argent demain.»

Voilà donc quelle était la situation de cet homme que certains historiens s’évertuent à nous présenter comme un bandit. Dès son enfance, c'est la misère qui le saisit. Jeune homme, il lui faut lutter avec acharnement pour faire vivre sa famille. Marié et père, c’est encore la lutte contre l’éternelle misère. Maintenant le voilà sous le coup d’une épouvantable accusation. Poursuivi, traqué, sans argent et quelquefois sans asile, il lui faut encore songer à sa famille. Sa femme à bout de ressources vient de vendre ses derniers meubles. Les créanciers le harcèlent.

Là-dessus, Babeuf finit par obtenir une place, il est nommé secrétaire de l'administration des subsistances de Paris. Il n’a plus qu'à se tenir tranquille. Eh bien, non! il continue à publier des placards et des brochures; il ne veut pas abandonner la lutte et il fait tant que les juges de Montdidier, qui ne l’ont pas perdu de vue, finissent

(1) Il s'agit du célèbre Fournier, l'Américain; Babeuf fit plusieurs écrits pour lui. Remarquons que dans l'un de ces écrits Babeuf, attaque avec violence, Marat. Cependant en juillet 1790, dans l’Ami du Peuple, ce dernier l'avait défendu et soutenu et plus tard Babeuf se réclamera de lui,